Réimplantations expérimentales de Zostères dans l'Étang de Berre

Porteur du projet : 
GIPREB, Syndicat Mixte de l'étang de Berre
Types d'actions : 
Restauration - Translocation et réintroduction
Date: 
2009 - 2014
Cadre de l'action: 
Gestion des espaces naturels



Contexte et objectifs : 

L'industrialisation des rives de l'étang de Berre et, en 1966 la mise en service de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, ont entraîné une chute de la salinité (de 30 à 15g/L en moyenne annuelle) et une forte eutrophisation du milieu, celles-ci ont provoqué la dégradation de la flore aquatique et des herbiers de Zostères (Zostera noltii, Zostera marina).
En 1998, ceux-ci ne couvraient plus que 1.5 ha et étaient considérés comme fonctionnellement éteints.
À partir de 2005, associée à une diminution globale des apports en substances eutrophisantes (azote, phosphore) par le bassin versant, la réduction des rejets d'eau douce par la centrale (suite à une décision de justice de la cour européenne), a permis de stabiliser la salinité dans l'étang entre 15 et 25g /L, correspondant à la gamme de salinité fixée comme objectifs dans le cadre de la réduction des rejets.
De ce fait, une restauration des herbiers de zostères par des réimplantations a pu être envisagée.
Un des objectifs de ces réimplantations expérimentales était d’évaluer les possibilités de colonisation de transplants d’herbier de Z. noltii et Z. marina dans l’étang de Berre dans des sites abritant encore des herbiers reliques indigènes ou ayant abrité des herbiers au cours des 20 dernières années. Le second objectif est de tester la méthode de transplantion des espèces de zostères.

Description : 

Des transplants de Z. noltii et Z. marina ont été prélevés manuellement en plongée sous-marine (environ 5m²) dans l'anse de Carteau (golfe de Fos). Ce site a été sélectionné pour sa proximité avec les six sites de réimplantation définis (distance entre site donneurs et récepteurs comprises entre 17 et 30 km). Leur conditionnement a été effectué (i) en boutures (pour Z. noltii et Z. marina), triées, séparées de leur sédiment et conditionnées en sachet (par groupe de 20 à 30 boutures), (ii) en mottes d’une dizaine de cm de diamètre (pour Z.noltii) conditionnées dans des pots en fibre végétale (fertilpots). La transplantation de mottes devant permettre une meilleure cohésion des transplants entre eux.

Les transplantations ont été réalisées du 3 au 15 juin 2009, manuellement en plongée sous-marine. Pour chaque site, les transplants ont été disposés le long de 3 transects de 15 m de long, parallèles au trait de côte, et composés respectivement de 30 groupes de boutures de Z. noltii, 30 groupes de boutures de Z. marina (espacés de 0.5 m) et 15 mottes de Z. noltii (espacées de 2m). La profondeur des transects est comprise entre 0.8 et 1.2 m.

Un suivi saisonnier fin a été mené au cours des deux années qui ont suivi les transplantations. Le suivi rend compte à la fois de la qualité et la dynamique des transplants et des conditions environnementales des sites de transplantation (salinité, lumière incidente).

Bilan : 

Résultats principaux
Deux ans après leur réimplantation, la survie des transplants s’échelonnait de 0 à 53 % selon les espèces, les techniques de transplantation et les sites de réimplantation avec une moyenne des taux de survie autour de 10 %. L’essentiel des mortalités observées ont eu lieu au cours des 3 premiers mois (durant l’été 2009) suivant les réimplantations (taux de survie compris entre 0 et 100 %). Les taux de survie se sont ensuite stabilisés jusqu’au printemps (T+10 mois) puis de nouveaux épisodes de mortalité des transplants ont été observés au cours du second été. Les transplants ayant survécu montrent cependant des progressions (élongations verticales des faisceaux et densités) parfois importantes, jusqu’à 180 cm au maximum en deux ans et 1225 faisceaux/pied transplanté, ce qui est proche des valeurs relevées sur les herbiers reliques voisins.

Au cours des deux années de suivi (juin 2009 à juin 2011), la salinité de la couche d’eau de surface de l’étang de Berre (jusqu’à 4 m de profondeur) a été comprise entre 15 et 28g/L, ce qui correspondait aux objectifs de gestion affichés pour l’étang, les salinités maximales étant relevées en été. Durant le même temps, les températures de l’eau ont varié entre 5 et 29°C. La lumière parvenant au fond est restée faible d’une manière générale : les valeurs médianes (soient 50 % des valeurs mesurées) sont comprises entre 11 et 18 % de l’irradiance de surface.

Bilan de la colonisation des transplants de zostères
Deux ans après les transplantations, le taux de survie global des transplants est faible : près de 9 % pour Z. noltii et 11 % pour Z. marina. Ces résultats masquent néanmoins des situations très contrastées selon les sites de réimplantation (cf. diaporama téléchargeable ci-dessous). Les taux de survie les plus élevés ont été observés pour trois sites de la façade est du Grand Étang, et correspondant pour deux d’entre eux à des secteurs où subsistaient des herbiers reliques indigènes. Zostera marina qui n’était plus présente dans l’étang depuis 1972 (elle a fait l’objet d’une signalisation ponctuelle dans le Grand Étang en 2011 et 2002) montre des taux de survie comparables à Z. noltii.

Les deux méthodes de transplantation employées (par boutures et par mottes) donnent des taux de survie globalement comparables, bien que le prélèvement par motte permet de maintenir la cohésion du système racinaire, limite la fragilisation des plants au cours du transport et facilite les manipulations.

Enfin, le suivi des transplantations montre clairement l’influence des paramètres saisonniers dans la survie des transplants : en automne et en hiver les transplants subissent des érosions mécaniques liées à l’hydrodynamisme (tempête, vagues, érosion sédimentaire). Tandis que la période estivale apparaît comme étant génératrice de stress pour les transplants : échauffement des eaux, augmentation de la charge en matière en suspension et réduction de la lumière disponible, augmentation de la charge en épibiontes sur les feuilles.

Le projet pilote montre que des transplantations ne sont pas envisageables à large échelle pour la restauration des herbiers de l’étang car la reprise naturelle des herbiers suite à l’amélioration des conditions de salinité est bien plus rapide et efficace que la transplantation.

Le projet montre en revanche que la transplantation peut être envisagée soit : pour redynamiser une zone très locale d’herbier pour laquelle des reprises naturelles sont observées mais encore contraintes (effet de renforcement localisé), soit pour tester une diversification génétique (cas des populations très isolées géographiquement, fond de baie, fond de lagune, etc.)

Bilan sur les méthodes de transplantation
Cette expérimentation aura démontré que :
- La croissance des transplants peut être rapide.
- La survie des transplants est influencée fortement par deux facteurs : d’une part l’eutrophisation et les importants développements d’algues sur les fonds (recouvrement des zostères) et d’autre part, l’exposition du site aux houles de mistral (remaniement des fonds et arrachage des zostères insuffisamment ancrées dans le sédiment).

L’expérimentation a permis de préciser certains éléments méthodologiques permettant d’optimiser les techniques de transplantation :
- La transplantation devra être conduite au printemps, pour une meilleure reprise des boutures avant d’affronter les eutrophisations et développements d’algues de l’été.
- Des dispositifs d’ancrage des transplants dans le sédiment (agrafes) devront être mis en place pour mieux les maintenir en cas de remaniement des fonds.
- Il est préférable de transplanter les zostères par mottes afin de maintenir la cohésion des rhizomes transplant plus robuste et qui résistera mieux à l’hydrodynamisme.
- Le choix des sites, et plus particulièrement leur protection par rapport aux forts coups de vent, est déterminant dans la réussite de l’opération.

Pour en savoir plus, cette fiche est extraite de l’article : « Étude des possibilités de restauration des herbiers de Zostera dans l’étang de Berre après des réimplantations expérimentales ». LAGUN’R – Rencontres scientifiques autour de l’étang de Berre 14 - 15 MARS 2011 Aix-en-Provence, Gipreb Editeur, pp 345-359.

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