Assainissement des eaux usées adapté au contexte Tropical par Traitement Extensifs utilisant des Végétaux
Contexte et objectifs :
Les départements d’Outre-Mer (DOM) sont porteurs d’enjeux d’assainissement particulièrement sensibles. Soumis au même cadre réglementaire que la métropole (DCE, DERU), ils présentent un important retard dans la mise en place de systèmes d'assainissement performants. Pourtant, les enjeux environnementaux (les DOM renferment 80% de la biodiversité nationale sur 14% de son territoire), sanitaires, économiques (secteur touristique important), fonciers (à l'exception de la Guyane les DOM sont des départements français les plus densément peuplé après la région parisienne) et sociaux nécessitent un développement rapide de l’assainissement.
De plus, les DOM se distinguent des départements métropolitains par de nombreux aspects pouvant affecter le bon développement de l’assainissement de ces territoires. Outre les facteurs naturels, la forte croissance démographique de ces territoires induit un développement rapide mais aussi mal contrôlé du tissu urbain compliquant les choix techniques et l’organisation des services d’assainissement. En parallèle, l’adaptation des techniques d’assainissement autant pour la gestion du réseau de collecte (formation d’H2S, corrosion, eaux parasites) que pour les ouvrages de traitement eau ou boues (performances, vieillissement des installations, maintenance) n’est que rarement prise en compte.
Ces constats amènent à préconiser le développement de filières de traitement robustes, capables de s’adapter aux variations de charges hydrauliques comme organiques, utilisant des matériaux disponibles localement, économes, simples de gestion et performants.
Objectifs :
La filière de traitement des eaux usées par filtres plantés de roseaux/végétaux (FPR/FPV) est plébiscitée à l'heure actuelle par les petites collectivités métropolitaines. Avec plus de 4000 FPR sur le territoire national, on estime à l'heure actuel que plus des 3/4 des nouvelles stations de traitement mises en place dans les petites collectivités sont des FPR. Leur simplicité de gestion, leur robustesse face aux variations de charges et le traitement conjoint des eaux et boues d'épuration sont leurs principaux atouts. En revanche les procédés extensifs comme les FPR sont gourmands en foncier (2,4 m²/EH pour la métropole).
Le projet ATTENTIVE vise à adapter la filière des FPR au contexte tropical des DOM, tout en mettant en œuvre localement les conditions de généralisation de ces filières de manière autonome.
3 STEU ont été réalisées dans le cadre du projet Attentive (Taupinière - 800 EH (Diamant) et Mansarde Rancée - 1000 EH (François) en Martinique et les Mangles - 120 EH (Petit Canal) en Guadeloupe). Un suivi scientifique des performances des installations est réalisé dans le cadre du projet par Irstea et les offices de l'Eau. L'objectif de ce suivi est de valider en conditions réelles les FPV pour la zone tropicale.
Description :
L'adaptation de la filière a été abordée selon 4 axes :
- Les règles de dimensionnement ont été revues pour prendre en compte le gain que représente une activité biologique plus importante du fait des températures tropicales, tout en incluant l'intense pluviométrie en climat tropical. Le ratio de 0,8 m²/EH a été défini sur la base des connaissances scientifiques accumulées par Irstea, contre 2,4m²/EH en métropole.
- Phragmites australis, le roseau commun est la plante utilisée sur les FPR en métropole. Il est considéré comme invasif dans la majeure partie de la zone tropicale. Dans le cadre du projet Attentive, une centaine de plantes tropicales a été étudiée, de manière à pouvoir proposer une liste de plantes de substitution adaptées. A ce jour, Heliconia psittacorum (oiseau du paradis) et Canna indica (le balisier) sont les principales espèces de substitution.
- Les matériaux (graviers) nécessaires à la construction des filtres doivent avoir des caractéristiques précises. Un travail auprès des producteurs locaux de granulats (carrières) a été réalisé de manière à obtenir une source de matériaux de qualité.
- Enfin, le projet ATTENTIVE a pour but de transférer les connaissances et savoir-faire aux acteurs décisionnels et techniques locaux (Offices de l’eau, collectivités partenaires), ainsi qu'aux acteurs économiques pour les aspects de construction et d’exploitation (Cotram assainissement).
Suivis et résultats :
Une centaine de bilans 24h a été réalisée. Ces bilans utilisent des préleveurs réfrigérés qui permettent la constitution d'échantillons représentatifs de l'ensemble des eaux ayant transitées par la station sur 24h. Des échantillons à différentes étapes du traitement sont réalisés (eaux usées brutes, sortie filtre, sortie STEU ...). Les principaux paramètres physico-chimiques (DBO5, DCO, MES, NGL, NTK, NH4, NO3, NO2, PO4, PT, e.coli, entérocoques, pH, conductivité) sont mesurés et permettent d'évaluer les performances des stations.
Les rendements épuratoires des stations sont excellentes (85% DCO, 90% MES et DBO5) et permettent de valider le dimensionnement de la filière tropicale (0,8m²/EH).
Ces résultats ainsi que le détail des règles de conception sont précisés dans le guide de dimensionnement des filtres plantés de végétaux pour la zone tropicale qui sera publié début 2017. Une synthèse des taches d'exploitation fait l'objet d'un guide d'exploitation conjoint.
Les documents qui ont été produits dans le cadre du projet Attentive et des autres actions Irstea/Onema dans les DOM sont téléchargeables à l'adresse suivante : https://epnac.irstea.fr/dom/
Vous y trouverez les rapports suivants :
- Quelles plantes pour les filtres plantés de végétaux dans les DOM ?
- Retours d'expériences sur les premiers suivis expérimentaux des FPR en Guyane
- Suivis des stations expérimentales FPR à Mayotte
- Traitement des eaux usées domestiques par filtres plantés de macrophytes
- Comment développer un assainissement durable dans les DOM ?
Bilan :
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet ATTENTIVE financé par l'ONEMA et dont les partenaires sont l'Office de l'Eau de la Martinique (coordinateur administratif), Irstea (coordinateur scientifique), L'Office de l'Eau de la Guadeloupe, COTRAM, le SICSM et la CANGT.
Le coût total des stations de FPV équivaut à (1):
- 1 150 000 € pour 800 EH - station la Taupinière
- 1 400 000 € pour 1000 EH - station Mansarde Rancée.
L'Onema et l'Office de l'eau en finance environ la moitié et le Syndicat Intercommunal du Centre et du Sud de la Martinique, les fonds FEDER et parfois l'Agence des 50 pas, financent l'autre moitié.
Points forts :
- Les stations réalisées sont exemplaires et constituent de belles vitrines pour la filière.
- Les performances des stations sont excellentes.
- Lors des comités de pilotage élargis du projet une grande variété d’institutions est représentée, ce qui montre l'intérêt local pour ce type de filière.
- L’obtention du grand prix du génie écologique en 2014 renforce la crédibilité de la filière auprès des décideurs.
Points faibles :
- Les stations ont été surdimensionnées pour prendre en compte la croissance des communes. Les raccordements tardent et il est probable que les charges à traiter aient été largement surestimées. Des aménagements ponctuels sur les filtres ont permis de contourner le problème pour le suivi scientifique des ouvrages. Cependant les investissements publics ne sont pas optimisés.
- La généralisation souhaitée du projet n'est pas encore d'actualité. Dans les Antilles, en dehors du projet Attentive, il y a encore peu de projets de FPV. Les expériences en métropole et à Mayotte montrent qu'il faut plusieurs années pour que les maîtres d'ouvrage s'approprient la filière. Il y a aujourd'hui plus d'une quinzaine de FPV à Mayotte, le parc va croissant à une vitesse de 2 à 3 stations par an.
- Les stations réalisées ont été conçues pour un suivi scientifique ce qui entraîne des coûts supplémentaires*.
*Le montant des stations réalisées dans le cadre du projet n'est pas représentatif du coût réel d'un FPV qui est estimé comme étant inférieur à 1000 €/EH pour une station de 1000 EH.