Réhabilitation des berges de Seine dans le secteur de l'île Saint-Germain (92)
Contexte et objectifs :
Les berges de la Seine en Ile-de-France sont très artificialisées. On y retrouve des enrochements, des perrés, des digues bétonnées ou encore des palplanches. Ces aménagements ont contribué à diminuer la qualité physico-chimique, hydromorphologique, et écologique de la Seine. La forte diminution de berges naturelles a entrainé la perte de frayères essentielles à la reproduction de nombreux poissons et une homogénéisation du cours d’eau. Toutefois, on y trouve tout de même de nombreuses espèces végétales et animales, terrestres et aquatiques. La répartition des végétaux y est différente de cours d’eau plus naturels : des espèces horticoles sont présentes et les dernières strates végétales ont été remplacées par différents aménagements (routes, immeubles, parcs,…), où la nature s’installe progressivement. De plus en milieu urbain, les berges subissent des contraintes non négligeables (introduction d’espèces exotiques envahissantes, pollution, urbanisation, faible emprise disponible…) qui limitent le rôle des berges naturelles.
L’île Saint-Germain se situe dans l’Ouest de Paris et l’association Espaces entretient et restaure ses berges depuis 1999. L’association Espaces est une association d’insertion qui entreprend des actions quotidiennement pour préserver les fonctions et les corridors écologiques, indispensables à la survie des végétaux et des animaux. Cette mission est réalisée dans une logique d’aménagement et de développement local et social dans le cadre de chantiers d’insertion. Espaces permet à des personnes en situation de précarité et d’exclusion de se réinsérer par le travail. Ces personnes sont formées aux métiers de l’entretien des espaces verts et naturels et acquièrent ainsi un savoir-faire pouvant leur permettre de retrouver un emploi.
L’association Espaces intervient sur un certain nombre d’espaces des berges de Seine en partenariat avec l’Agence de l’eau Seine-Normandie, Ports de Paris, le Conseil régional d’Ile-de-France, Voies navigables de France, fédérant les partenaires pour une meilleure gestion globale et cohérente des berges de Seine dans leurs continuités. Espaces s’occupe de la gestion de près de 12km de berges de Seine entre le pont de Billancourt (Issy-les-Moulineaux, île Saint-Germain) jusqu’au pont de Puteaux (en bordure Nord du bois de Boulogne). Depuis 1999, l’association travaille à la renaturation du cours d’eau sur ce linéaire et s’attache à :
- Aménager et sécuriser les cheminements des berges
- Développer les capacités écologiques et biologiques des berges et enrichir la biodiversité
- Restaurer les corridors écologiques
- Améliorer la qualité paysagère des berges
- Animer et faire connaître les berges de Seine
Description :
Sur le secteur de l’île Saint-Germain, Espaces a entreprit depuis 1999 l’aménagement des berges en génie végétal. Pour cela, plusieurs opérations ont été effectuées (voir carte) par l’association :
- Premier ouvrage de génie végétal composé de fascines de saules en 1999 sur un linéaire de 100 mètres puis réintervention en 2011 pour reprendre l’ouvrage abimé avec mise en place de fascines de saules associées à une banquette d’hélophytes pour limiter l’érosion et la dégradation de l’ouvrage.
- Création d’une roselière en utilisant des techniques de génie végétal (fascine de saules dans le lit mineur avec création d’une banquette d’hélophytes plantées de roseaux en retrait de la fascine) entre 2001 et 2003 en face de l’île Séguin sur un linéaire de 90m.
- Mise en place de plusieurs autres petits linéaires de fascines de saules entre 2005 et 2016. pour un linéaire total de 108 mètres.
- Création d’un ilot végétalisé en 20052006 sur un linéaire de 40 mètres.
- Deux opérations de restauration de berges en 2012 puis 2015 à l’aide de lits de plants et plançons sur un linéaire de 57 mètres
- Deux opérations sont en cours (2019) pour la création de deux roselières antibatillage pour un total de 180 mètres. Des opérations de restauration de la ripisylve (suppression d’espèces inadaptées voire invasives puis remplacement par des essences locales) ont également été réalisées sur les talus (hauts de berges) en 2013 dans plusieurs secteurs de l’île (linéaire de 300 mètres).
Mise en place de fascines de saules :
Au total, sur le secteur de l’Île Saint Germain, 575 mètres de berges et 300 mètres de talus ont été restaurées à l’aide de technique issues du génie végétal par Espaces. Ces opérations sont réalisées par les agents en insertions de l’association. La plupart de ces travaux s’effectuent manuellement, d’une part à cause de contraintes liées à l’accessibilité des sites et d’autre part pour avoir un impact moindre sur l’environnement. Les espèces végétales plantées lors de la réalisation d’ouvrages de génie végétal permettent de favoriser le développement d’espèces faunistiques typiques des berges. De nombreux végétaux indigènes et adaptés sont utilisés notamment 5 espèces de Saule arbustifs :
- Saule des vanniers (Salix viminalis)
- Saule cendré (Salix cinerea)
- Saule à 3 étamines (Salix triandra)
- Saule pourpre (Salix purpurea)
- Saule blanc (Salix alba)
Les premiers ouvrages ne prenaient pas en compte la problématique du batillage et certains ouvrages n’ont pas résisté. En effet, le batillage sur la Seine est très important et fréquent. Le passage des bateaux et péniches provoquent des vagues venant frapper les berges qui entraînent l’érosion de la berge. Les jeunes ouvrages de génie végétal ont plus de difficultés à résister à cette érosion et certains linéaires peuvent s’affaiblir voire céder. Il a alors été nécessaire de restaurer certains ouvrages et de garder en mémoire cette contrainte pour opérations suivantes.
Des techniques expérimentales sont actuellement en cours afin de limiter l’impact du batillage. Elles consistent à recréer des banquettes d’hélophytes à pentes très douces (< 10 %) dans le lit mineur età y planter des roseaux Ces modèles s’inspirent de la roselière créée par Espaces en 2001 qui est toujours présente et très bien développée aujourd’hui.
Bilan :
Coût = Environ 670 000 € pour les travaux de 1999 à 2019, subventionnées par l’Agence de l’Eau Seine Normandie et le Conseil Régional Île de France
Les ouvrages sont régulièrement suivis et entretenus par l’association (fauche annuelle, taille douce des arbustes, lutte contre les espèces invasives, gestion des boisements, petits aménagements pour la faune et gestion des déchets). De manière générale, le suivi des ouvrages montre une bonne tenue suite aux renforcements effectués (renforcé en 2011 pour le premier ouvrage).
Aucun suivi biodiversité n’est en revanche effectué par l’association. Une amélioration pourrait être faite sur ce point mais elle nécessiterait plus de moyens financiers et humains (possédant les compétences techniques nécessaires). Toutefois, l’action de l’association entre dans une cohérence globale d’amélioration de la qualité de l’eau. On peut noter dans ce cadre une augmentation de la diversité de poissons présents dans la Seine en Ile-de-France (4 espèces de poissons dans les années 70 contre une trentaine actuellement) et quelques espèces menacées profitent des aménagements des berges en génie végétal comme le Martin-pêcheur d’Europe, une espèce menacée qui niche dans les berges.
Reprise d'une fascine de saules et d'une banquette d'hélophytes :
Toutefois certains ouvrages de génie végétal ont été détruits lors d’opérations d’aménagements utbains pour mettre en place des enrochements sans consultation auprès de l’association. L’effort de végétalisation des berges et de création d’un continuum écologique est alors très fragile et il apparaît nécessaire d’informer et de sensibiliser tous les acteurs concernés de l’importance de maintenir les ouvrages de génie végétal tant pour la biodiversité que pour la protection souple des berges.
Roselière 20 après sa création :